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Arnaud POMIRO

Extraits :

 

Dimanche 15 avril 1917

 

« Marche de Dravegny à Baslieux-les-Fismes : vingt kilomètres environ. […] Durant tout notre trajet nous entendons une canonnade intense et par moments nous apercevons les fumées des explosions. […] Entre Courville et Magneux nous faisons la halte horaire tout à côté d’un immense parc d’aviation où nous voyons un très grand nombre d’avions qui partent ou qui atterrissent. J’apprends qu’il y a là deux cent quarante appareils avec les as : Guynemer y est et a abattu hier matin son 38e avion. […] Vers 21 h la canonnade est d’une intensité inouïe. C’est que sans doute le moment du départ approche. […] On dit que Saint-Quentin et Liévin sont repris. […] L’offensive serait formidable et s’étendrait de Soissons à l’Argonne. […] Nous disposerions de deux cent cinquante tanks. »

 

Lundi 16 avril 1917

 

« La nuit a été mauvaise : il a plu, il a fait froid. Cela n’a pas empêché la canonnade de se maintenir très intense et en particulier à partir de 3 h jusqu’à 8 h environ. Jamais je ne l’ai trouvée aussi intense. […] Nous pensons que l’attaque s’est déclenchée ce matin à 6 h18 et qu’elle continue en notre faveur malgré une résistance acharnée de l’ennemi, particulièrement à l’est de Craonnelle. […] Nous avons appris dans le courant de la journée que le 1er corps colonial – parti du côté de Craonne – ayant avancé plus vite que ce n’était prévu pour franchir le ruisseau l’Ailette, a été pris entre nos tirs de barrage (fixés à 13 h 55) et les mitrailleuses boches et de ce fait a subi des pertes sévères (2e régiment colonial).

 

Mercredi 18 avril 1917

 

« Au lever du jour l’air est très frais. Il se met à neiger. Les convois se croisent, se dépassent toujours sur les routes transformées en boue liquide assez abondante. […] C’est sous la pluie et la neige, les pieds dans la boue que nous partons. Nous suivons les routes qui existaient déjà en temps de paix jusqu’à Baslieux-les-Fismes où nous faisons une halte assez longue. Là je rencontre deux poilus du 144e R.I. qui m’annoncent qu’ils ont participé à l’attaque du plateau de Paissy, que leurs pertes ont été d’environ cent cinquante tués ou blessés dans deux bataillons engagés. […] Partout les routes boueuses sont encombrées de troupes et de convois de toutes sortes. A noter qu’avant le passage du pont sur la voie ferrée de Fismes nous voyons passer deux trains de blessés. »

 

Jeudi 19 avril 1917

 

« Les travaux qui ont été exécutés pour l’offensive sont formidables, gigantesques à partir de Magneux jusqu’au front. Ce sont tout d’abord des voies normales, des voies étroites pour le transport des troupes et des munitions, des hôpitaux pour la réception des blessés, des camps pour la concentration des troupes, des abris pour la garde des engins de toutes sortes, des haies artificielles (en petites branches plantées en terre fixées à des poteaux et ajourées) sur le bord des chemins vieux et nouveaux pour dissimuler les mouvements, des parcs d’aviation pour abriter les avions, des camouflages spéciaux pour batteries d’artillerie, des dépôts de toutes sortes. »

 

Samedi 21 avril 1917

 

« J’ai eu l’occasion de voir pour la première fois des tanks qui avaient participé à l’attaque du 16 avril dernier et qui avaient pu rejoindre leur point de départ. Leur inspection n’a pas produit l’impression que j’escomptais : masse de plaques d’acier qui roulent sur le sol au moyen de palettes sans fin. Ce n’est nullement le tank anglais. Dans chacun d’eux on voit un canon 75 pouvant tirer cent coups et deux mitrailleuses. Le personnel comprend six hommes : l’officier, un sous-officier, un caporal et trois poilus. Ils ne sont pas certainement à l’aise dans cette machine infernale. On me dit qu’ils n’ont pas produit le résultat attendu, s’étant embourbés ou n’ayant pas été suivis par l’infanterie ou n’ayant pas été protégés par l’artillerie d’une manière suffisante. Nos pertes en tanks ont été lourdes, paraît-il. 50% »

 

Dimanche 22 avril 1917

 

« Prise du secteur de Craonnelle : sept kilomètres environ.

Dans la nuit l’artillerie a été très active. Nous recevons les ordres nécessaires pour monter en secteur : au nord-est de Craonnelle.

Je quitte Maizy à 14 h avec quelques poilus pour aller reconnaître l’emplacement de la C.H.R. et prendre les consignes du matériel et des munitions.

Par des chemins défilés et un boyau en fort mauvais état nous arrivons à Craonnelle dont il ne reste que des pans de murs, des monceaux de pierres brisées, des trous d’obus profonds et nombreux. »

 

Vendredi 4 mai 1917

 

« Pendant toute la nuit la canonnade est terrible sur notre droite (9e corps). Chez nous c’est assez calme. […] Attaque de Craonne et du plateau de Californie par les 34e et 18e régiments. Les reconnaissances faites cette nuit n’ont pas donné de très bons résultats encore sur notre front : les réseaux sont seulement entamés, les petits postes boches occupés. […] La canonnade est durant toute l’après-midi d’une intensité effarante. Des obus de tous calibres traversent l’air, qui en sifflant, qui en ronflant. J’observe à la jumelle les chutes des gros obus sur la crête qui domine Craonne : c’est effarant. »

 

Mercredi 9 mai 1917

 

« On m’annonce les pertes officielles subies par le 34e : trente-huit officiers dont vingt tués et neuf cent quatre-vingt-six hommes hors de combat. Celles subies par le 18e seraient fortes aussi mais moins tout de même que celles du 34e. »

 

Jeudi 24 mai 1917

 

« J’apprends que les pertes du 49e ont été de cinq cent vingt, dont cent vingt tués déclarés. Il convient d’ajouter à ce dernier chiffre celui des décédés par suite de blessures dans les ambulances (approximativement une soixantaine). Le nombre des tués comparé à celui des blessés est excessivement élevé. »

 

Dimanche 27 mai 1917

 

« Dans le courant de la journée nous apprenons des choses graves concernant le moral du troupier français. Au 9e corps une division se serait refusée à marcher le jour désigné. Au 32e corps, qui est à Coulanges, une véritable émeute se serait produite au cours d’une séance cinématographique. Des officiers présents s’étant interposés pour rétablir l’ordre auraient été conspués. Le colonel, le général de brigade, le général de division et le général de corps d’armée n’auraient pas eu plus de succès. On dit que c’est le 102e régiment d’Infanterie. Dans un autre régiment les poilus d’un bataillon seraient partis en permission sans titre. Celui-ci leur aurait été envoyé à domicile. Ce sont là des faits qui doivent faire réfléchir. »

 

Lundi 28 mai 1917

 

«  Nous apprenons des choses très graves sur le 18e régiment d’Infanterie. Au moment de l’embarquement, des troupiers d’un bataillon auraient refusé de partir en poussant les cris de : « Permissions, croix de guerre ». Des balles auraient été tirées par des fusils et par des fusils-mitrailleurs. On ne parle pas de mal. Des autos passent très espacées dans la matinée, portant des poilus du 18e que l’on entend crier : « Marchons pas. Permissions. Croix de guerre ». Pour un régiment qui avait la cote... J’ignore si nos poilus sont au courant de ces faits mais j’ose espérer que pareils faits ne se produiront pas chez nous. […] A 13 h 30 le colonel reçoit les officiers du régiment pour les mettre au courant des faits signalés plus haut et nous engage à relever et à maintenir le bon moral du troupier. »

 

Dimanche 10 juin 1917

« J’apprends également que les incidents qui se sont produit au 18e ont eu leurs sanctions : quatre (dont un caporal clairon qui avait sonné le rassemblement des mutinés) sont condamnés à mort. Les autres, au nombre de quinze, sont condamnés à cinq, dix ans de travaux forcés. Encore une fois ce ne sont pas les véritables fautifs qui sont punis. Justice, justice, quand donc est-ce que tu seras de ce monde ?! »

 

Samedi 16 juin 1917

 

« J’ai appris dans le courant de la journée que des incidents se sont produit à nouveau à la 154e division. Il y en a trois qui ont été exécutés tout dernièrement à Fismes et beaucoup condamnés aux travaux forcés. Les séances du conseil de guerre sont fréquentes et chargées. »

 

Lundi 18 juin 1917

 

« Je vais à Baucquigny voir mon camarade Breillac que je trouve à la 7e compagnie du 203e régiment. Nous revivons avec plaisir les moments aussi bien heureux que pénibles de notre campagne des Dardanelles. Il m’annonce qu’ils ont été au fort Brimont, qu’ils y ont attaqué sans succès tout en éprouvant des pertes élevées ; ils s’attendent maintenant à partir vers les Vosges. Il me met également au courant de graves incidents qui se seraient passés au 174e régiment d’Infanterie : cinq poilus condamnés à mort ont été graciés et changés de régiment, sur la menace de rébellion de tout le régiment si l’exécution se faisait »

Extraits des Carnets de Guerre d’Arnaud Pomiro, Des Dardanelles au Chemin des Dames, Toulouse, Privat, 2006.

Né le 5 juin 1880 à Bardos (Pyrénées Atlantiques), cet instituteur, marié et père de deux filles rédige cinq cahiers racontant son parcours à partir du 23 février 1915, date de sa mobilisation au 144e Régiment d'infanterie en tant que sergent. Il est ensuite nommé sous-lieutenant (juin 1915) puis lieutenant (mars 1918). Après s'être battu aux Dardanelles, il participe à l’offensive du Chemin des Dames (avril 1917).

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